• On ne vit que deux fois (You Only Live Twice), de Ian Fleming

    Merci à Oni-San, さん,  mon ami professeur d'Histoire-Géographie, pour son très complet article sur You Only Live Twice, de Ian Fleming.

    A l’occasion de la sortie, le prochain 11 novembre, du 24ème dernier opus de la saga James Bond, Spectre, rappelons que 007 vit une des aventures les plus importantes de sa tumultueuse carrière au Japon, dans On ne vit que Deux Fois.

    Le titre : pressé par son ami Tigre Tanaka, chef du KCK, Koan Chosa Kyoku, le service secret japonais, Bond s’essaie laborieusement au Haïku à l’imitation du poète du XVIIème siècle Bashô ; après plusieurs essais infructueux, il parvient à accoucher d’un haïku qui résume en fait l’histoire de sa vie :

    On ne vit que deux fois

    La première fois quand on naît,

    La seconde lorsqu’on est face à la mort.

    Malheureusement, d’après Tigre Tanaka, ce poème est inversifiable en japonais selon les règles du haïku (strophes de 17 pieds).

    Que fait 007 au Japon ?

    Il faut distinguer l’intrigue du roman, paru en 1964, l’un des meilleurs de Ian Fleming, de celle du film, sorti en 1967, qui devait théoriquement être le dernier où Sean Connery endosserait le smoking de l’agent secret britannique.

     Dans le roman : James Bond, qui ne se remet pas de l’assassinat de son épouse, Tracy, à la fin d’Au service secret de sa Majesté,  est envoyé par M en mission diplomatique-donc, théoriquement, sans beaucoup d’actions dangereuses, ce dont d’ailleurs Bond ne se montre plus guère capable depuis son drame personnel- au Japon pour nouer des contacts au plus haut niveau avec le chef des services spéciaux japonais, Tigre Tanaka. Une amitié entre les deux hommes naît rapidement, et Tigre demande à James Bond de l’aider dans une affaire des plus délicates, qui embarrasse le gouvernement japonais. Un biologiste occidental, ayant acquis un château médiéval au sud du Japon, y cultive un jardin de plantes vénéneuses, élève en liberté serpents venimeux et poissons piranhas, dans le but- bien sûr non avoué vis-à-vis des autorités-de créer un lieu où les Japonais pourront se suicider à loisir, pratique malheureusement courante, car, selon Tigre, inscrite dans la culture millénaire de l’empire du Soleil Levant-ce qu’il faut bien sûr fortement nuancer ! Bond accepte de s’introduire clandestinement dans ce château pour y tuer le malfaisant gaijin, suit pour cela une formation accélérée de ninja, et bénéficie du concours des Amas, les pêcheuses nues du sud du Japon, et notamment de la plus belle d’entre elles, Kissy Suzuki.

    On ne vit que deux fois (You Only Live Twice), de Ian Fleming

    James Bond parvient à remplir sa mission, d’autant que le savant occidental s’avère être son ennemi mortel, le responsable de la mort de son épouse, l’ancien chef de SPECTRE, Ernst Stavro Blofeld. Bond le tue de ses propres mains en l’étranglant, mais il est blessé à la tête en s’échappant de ce lieu de cauchemar, et passe pour mort aux yeux de Tigre et de M. C’est d’ailleurs à la fin de ce roman, où M signe une notice nécrologique dans le Times, que l’on apprend de nombreux détails biographiques sur James Bond-son ascendance helvéto-écossaise, ses actions durant la Seconde Guerre mondiale, etc...En fait, Bond a survécu, mais il est amnésique. Recueilli par les Amas, il reste un an parmi la tribu, avant de repartir vers la civilisation et ce qu’il croit être son pays d’origine : l’URSS. James Bond a donc trahi, mais c’est l’histoire du dernier roman de Ian Fleming, L’Homme au pistolet d’or

    Dans le film : dans la séquence pré générique, une capsule spatiale américaine est arraisonnée par un mystérieux et gigantesque vaisseau. Les États-Unis accusent évidemment les Soviétiques, réveillant le spectre d’une probable Troisième Guerre mondiale. Mais les Britanniques incitent leurs alliés à la prudence, ayant détecté que le mystérieux vaisseau aurait atterri quelque part au Japon. Ils assurent envoyer leur meilleur agent sur place, James Bond, qui se trouve d’ailleurs à Hong Kong. Malheureusement, celui-ci est assassiné par des gangsters.

    On ne vit que deux fois (You Only Live Twice), de Ian Fleming

    Bien entendu, ce n’est qu’un leurre : après de fausses funérailles militaires en mer (rappelons que Bond est Commandeur dans la Royal Navy, c’est-à-dire capitaine de Frégate dans la marine de sa Gracieuse Majesté), 007, qui passe désormais pour mort, est envoyé discrètement au Japon. Épaulé par les services secrets japonais, Bond est rapidement mis sur la piste d’une entreprise High Tech, Osato, et découvre la base secrète, dissimulée dans le cratère d’un volcan, d’où est parti le mystérieux vaisseau spatial, qui a entretemps capturé une capsule soviétique, et s’apprête à récidiver en faisant échouer un vol américain pour déclencher un conflit nucléaire. Aidés des Ninjas du service secret nippon, Bond donne l’assaut à la base secrète, dirigée par le génie du mal qu’il affronte depuis des années et dont on découvre pour la première fois le visage : Ernst Stavro Blofeld, le chef du SPECTRE. Bond parvient à empêcher la fusée pirate de décoller et détruit la base secrète, sans que l’on sache précisément si Blofeld est tué dans l’opération.

    La genèse d’On ne vit que Deux Fois :

    Le roman : Ian Fleming n’est pas qu’un romancier à succès ; il est aussi journaliste, et a déjà signé des reportages remarquables, comme sur la contrebande de diamants depuis l’Afrique, qui lui a inspiré une autre aventure de James Bond, les Diamants sont éternels en 1955. En 1964, à l’occasion des Jeux Olympiques de Tokyo, il est envoyé au Japon pour une série de reportages par plusieurs journaux britanniques. La fascination pour le pays du Soleil Levant transparaît dans le roman On ne vit que Deux fois, où Ian Fleming a glissé de nombreuses choses vues sur le Japon et sa culture: histoire, religion, légende, société, vie quotidienne, architecture, gastronomie, littérature… : les geisha, les haïkus, le bœuf de Kōbe, les Amas, Lafcadio Hearn, les samouraïs, les ninja, les 47 rônins, Bashô, les Kamikaze, le problème du suicide chez les jeunes, la langue japonaise, le shintoïsme, etc…Il y trouve la matière première pour ce qu’il pense être son dernier James Bond. Depuis longtemps lassé par le héros qu’il a créé, il pense le faire disparaître définitivement à la fin de ce roman.

    On ne vit que deux fois (You Only Live Twice), de Ian Fleming

     Il l’avait déjà fait mourir à la fin de Bons baisers de Russie en 1957 : Bond se rend à Paris pour arrêter une femme, le chef du SMERSH, le service meurtre du KGB ; celle-ci se défend en frappant Bond au tibia avec une bottine doté d’une lame empoisonnée. Mais l’éditeur de Ian Fleming, en raison du succès commercial, l’avait convaincu de ressusciter 007, ce que l’auteur accepte en écrivant Docteur No : Bond est sauvé de l’empoisonnement in extremis, et est envoyé en convalescence à la Jamaïque, où il vit paradoxalement une des aventures les éprouvantes de sa carrière, affrontant un des ennemis les plus redoutables qu’il ait jamais rencontré, le médecin fou sino-allemand Julius No.

    Finalement, Ian Fleming ne peut se résoudre à faire mourir son héros, créé en 1953 dans Casino Royale ; mais le dernier roman, publié en 1965, où James Bond trahit puis se rachète, l’Homme au Pistolet d’or, est le plus faible de la série. Ian Fleming, malade, décède peu après en 1966.

     

    Le film : la série des James Bond au cinéma débute par le roman le plus immédiatement adaptable, Docteur No, en 1962. C’est pourquoi l’ordre des films ne correspond pas à celui des romans, et pourquoi il a fallu parfois entièrement repenser des scénarios, ne gardant parfois que le titre et le cadre géographique du livre. C’est ce qu’il advint d’On ne vit que deux fois, les producteurs Albert Broccoli et Harry Saltzman engageant le célèbre écrivain britannique d’origine norvégienne Roald Dahl (Contes de l’inattendu, Charlie et la chocolaterie) pour repenser entièrement le scénario.

    En outre, Ian Fleming a écrit la plupart de ses romans dans les années 1950, pendant la guerre froide, où l’ennemi déclaré de 007 est le SMERSH (Smiert Shpionam, Mort aux espions), le service chargé des meurtres pour l’URSS ; Docteur No est sorti l’année de la crise de Cuba, et tous les films ultérieurs se déroulent pendant la détente : impossible pour les scénaristes, dans ce contexte plus apaisé, de mettre James Bond aux prises avec le seul KGB, au risque de passer, notamment en Europe, pour un des nombreux B-movies (autrement dit des navets) anticommunistes comme en produisait à la chaîne Hollywood, avec le plus souvent un certain Ronald Reagan dans le rôle du héros… Heureusement pour eux, dans Opération Tonnerre en 1959, Ian Fleming avait inventé l’un des génies les plus malfaisants de la littérature policière, l’égal d’un professeur Moriarty ou d’un Fantomas : Ernst Stavro Blofled, chef de l’organisation criminelle SPECTRE (Special Executive for Counter Intelligence, Terrorism, Revenge & Extorsion ; Service spécial pour l’espionnage, le terrorisme, la vengeance et l’extorsion de fonds). Dans ce roman, SPECTRE dérobe deux bombes atomiques à l’OTAN, menaçant de détruire une ville occidentale si on ne lui verse pas une fabuleuse rançon. Évidemment, James Bond fait échouer ce plan machiavélique, puis est chargé par M de traquer Blofled à travers le monde ; 007 retrouve sa trace dans Au Service Secret de Sa Majesté, mais échoue à l’arrêter, le supercriminel tuant même la jeune épouse de Bond sous ses yeux, le jour de son mariage…

    Ne pouvant suivre l’ordre des romans, les scénaristes aux ordres d’Albert Broccoli, ont dès Docteur No évoqué la main du SPECTRE derrière toutes les manigances des criminels qu’affronte 007. Mais Blofeld n’apparaît à visage découvert pour la première fois que dans On ne vit que deux fois, sous les traits de l’acteur anglais Donald Pleasance.

    On ne vit que deux fois (You Only Live Twice), de Ian Fleming

    Quelques anecdotes sur le film :

    • Ce devait être le dernier James Bond tourné par Sean Connery dans le rôle de 007. Mais devant le demi-échec commercial d’Au Service Secret de Sa Majesté, imputé, sans doute à tort, à l’australien Georges Lazenby dans le rôle-titre (une certaine presse l’avait affublé du sobriquet 002,5 ; le film est pourtant maintenant perçu comme un des meilleurs de la série, notamment parce qu’il suit presqu’exactement le roman de Ian Fleming), Sean Connery signe pour un dernier opus, Les Diamants sont éternels en 1971. La séquence pré générique débute d’ailleurs par la vengeance de Bond pour le meurtre de sa femme. En 1983, il incarne pour la dernière fois 007 dans un remake d’Opération Tonnerre au titre explicite quant à la suite de sa carrière en smoking : Jamais plus Jamais.

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    • Le lecteur attentif aura remarqué que la succession des titres de films ne correspond en rien à celle des romans : mais les producteurs ont aussi dû jongler entre les acteurs incarnant parfois des personnages importants. Après Donald Pleasance, c’est Telly Savalas (Kojak) qui incarne Blofled dans Au Service Secret de Sa Majesté. Puis dans les Diamants sont Eternels, c’est Charles Gray, qui incarne justement un agent américain dans On ne vit que deux fois, qui endosse la défroque du supercriminel : les scénaristes s’en tirent en invoquant le fait que Blofeld doit sans cesse changer de visage pour déjouer ses poursuivants…Bien que tué à la fin des Diamants sont éternels, Blofeld fait une nouvelle apparition, sans visage cette fois, dans la séquence pré générique de Rien que Pour vos Yeux (1981) ; Il sera incarné dans le dernier opus, Spectre (2015), par Christopher Waltz .

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    • Le personnage de Blofeld sera notamment repris, en une sorte d’hommage parodique, par Mike Myers dans la série des Austin Powers ; il  y incarne le maléfique et maladroit Dr Denfer (Dr Evil en vo). Remarquez la ressemblance –voulue- avec Donald Pleasance….

    On ne vit que deux fois (You Only Live Twice), de Ian Fleming

    • Une des scènes d’action les plus réussies du film est une bataille aérienne, avec un ULM, baptisé plaisamment Petite Nellie,  apporté par Q à 007 : l’un des cascadeurs jouant les pilotes du SPECTRE qui affronte James Bond dans cette scène s’est révélé être un ancien volontaire pour les Kamikaze pendant la Seconde Guerre mondiale

    On ne vit que deux fois (You Only Live Twice), de Ian Fleming

    • La chanson du film You Only Live Twice est interprétée par Nancy Sinatra, la fille de Frank ; en 2000, le titre est samplé par Robbie Williams pour son tube Millenium.
    • Les scènes où s’entraînent les ninjas de Tanaka ont été tournées au château d’Himeji, au programme du voyage de cette année

    On ne vit que deux fois (You Only Live Twice), de Ian Fleming

    Bravo à Oni-San, さん,  pour son travail titanesque sur cet article. Pour le remercier, je vous laisse apprécier l'heure à laquelle je publie cette article : 0h07 !

    J'ajoute également la bande annonce française du film.

     


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  • Commentaires

    1
    Godzilla Junior
    Vendredi 30 Octobre 2015 à 17:25

    J'ai lu avec attention pour comprendre pourquoi un article sur James Bond était sur le blog de l'atelier Japon. Bien que ce soit d'actualité, je ne voyais pas ce que cela avait à voir avec le Japon. Et à la fin, après tout ce suspens bien mené, savoir qu'un bout de japon est dans le film, ça me donne encore plus envie de le voir ! 

     

    Grâce à vous Oni-San (que je crois avoir identifié), les audience vont encore plus monter !

    2
    Nona-san
    Vendredi 30 Octobre 2015 à 19:57

    Un très bel article ! Félécitation Oni-San pour ce travail de qualité (oulà ... sans citer de nom, on dirait un professeur qui parle XD...). Suspens garanti tout au long de l'article, et en plus, si je ne me trompe pas, un James Bond a été tourné sur l'île d'Hashima ( http://monnet-kineko.eklablog.com/hashima-au-pratimoine-mondial-de-l-uneso-a117625524 ) !

      • Vendredi 30 Octobre 2015 à 20:06

        Bonne mémoire Nono-san. Mais je pense que je l'avais déjà mentionné à Oni-San. winktongue

      • Nona-san
        Vendredi 30 Octobre 2015 à 20:42
        De la mémoire, oui mais si seulement je pouvais en avoir tout le temps ! :o
        C'est un article que j'avais beaucop aimé, et l'île en elle-même est magnifique ! *^*
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